Les aventures de tristeSir

-Oulà ! Ne nous emballons pas !!! Ne soyons pas trop optimistes quand à nos capacités, ce ne sont que deux grosses chauve-souris ...

-Euh... Oui, oui, évidemment, je voulais juste dire... Que ... Bah enfin... Bredouilla t'il, légèrement décontenancé.

Bah! C'est qu'il ne s'attendait pas à une réponse aussi pragmatique. Bon, Dez n'avait pas tord mais il n'allait tout de même pas lui avouer que sa bataille contre les chauves-souris était son premier véritable combat. C'est qu'Ereb aimerait faire bonne figure et pas passer pour un bleu devant la jolie demoiselle.

-Tout ce que je voulais dire, c'est que je suis heureux de t'avoir libéré Dez. Lança t'il, d'un air renfrogné, en enfilant une armure de cuir de maître. Sympa le bouclier sinon.

Il loucha un moment sur l'horrible bouclier de Désespoir. Un frisson lui parcouru l'échine à la vue de l'odieuse figure. Evidemment qu'elle avait choisi le bouclier le plus fantasque et déprimant. Une fois équipé et après s'être assuré qu'elle était habillée, Ereb s'avança vers Désesperine.

-Tu veux que je parte en éclaireur ? Lança t'il, l'air malicieux, à sa compagne de route. Avec une telle armure, je traverserai les couloirs pareil à un fantôme.

Dans les yeux de Tristesir pétillait un on-ne-sait-quoi de joueur. Vaincre les deux grosses bestioles, malgré la rudesse du combat, lui redonnait un peu de courage. Et puis, les histoires de destin et de mauvaises fortunes de Dez lui inspira de nouvelles pensées. Peut-être que ses péripéties renfermaient plus de sens qu'il ne le pensait. Quelles étaient les probabilités qu'Ereb se retrouve enfermé dans un donjon rempli à ras bord de magie et d'artefacts probablement aussi dangereux et merveilleux qu'ils sont rares et chers? Quelle était la probabilité qu'il rencontre dans sa mésaventure, une des siens et encore mieux, qu'ils parviennent à s'enfuir héroïquement sans une égratignure? Quelle aubaine, tout de même, la chute de ce semi-orc! Alors, certes, Ereb n'a jamais vénéré Tymora, la soeur bienveillante de Beshada, mais il commençait à croire qu'il avait une touche avec cette dernière! A cette pensée, il se ressaisit, secouant malgré lui sa tête, comme pour chasser cette idée.

Car ce n'est pas Tymora, comme sa mère l'aurait voulu, qu'Ereb vénère. Depuis toujours, c'est la Dame des mystères, Mystra vers qui Tristesir dirige toute son adoration. Il n'y avait à ses yeux, pas plus grande déesse que celle qui veille sur le tissage même du voile qui permet à la magie d'exister entre les mains de ceux qui savent manipuler ses fibres. Ce que représentait la maîtresse de la toile pour lui, Ereb ne saurait l'expliquer avec des mots. C'est une sensation indescriptible, que de penser à la Maîtresse même de la magie. Que la chance lui sourit, qu'elle courtise le jeune Tieffeflin en le sauvant in-extremis d'affreux destins, il ne se fera pas avoir! Même si Ereb reste persuadé d'être un Tieffeflin particulièrement chanceux et même si sa propre mère adorait Tymora, il restera éternellement loyal à Mystra. C'est ainsi que raisonnait Ereb. Emporté dans l'excitation ses propres aventures, il en oubliait que les dieux s'en fichaient éperdument d'un pauvre barde Tieffeflin de son espèce. Mais s'imaginer plus proche des dieux qu'il ne l'était réellement lui redonnait espoir. Dez' parlait d'offrandes  pour sa déesse... Peut-être que Mystra apprécierait également que Tristesir lui offre une montagne d'artefacts magiques pillés à un dangereux magicien, qui les auraient certainement utiliser semer la discorde et le mal! Non?

-Dis Dez', tu me parlais de la Dame de l'infortune... Elle veille sur toi c'est ça? Tu peux m'en dire plus?

Pendant que Désespoir prêchait la bonne parole, Ereb croisa les bras et tapota un index sur son menton, l'air songeur. Malgré toute la bonne volonté de Dez, Tristesir hésitait à mettre le nez dans le culte étrange de sa camarade. Les propos qu'elle tenait lorsqu'elle était emprisonnée lui faisait encore froid dans le dos. Par ferveur, elle acceptait la torture et la souffrance.  Mais quand elle lui proposa un tatouage, il hésita. Il se considérait chanceux mais il doit avouer que pour que la chance lui sourit, il lui fallait continuellement passer par des épreuves douloureuses. L'affaire De Jolie Cœur en était la plus récente preuve. Peut-être que ce n'était pas chance qui le courtisait, mais... l'inverse? Et puis, Dez avait raison! Il y en a beaucoup, des gros chanceux dans ce monde... En première, De Jolie coeur : belle, à la voix d'or, adorée de tous (sauf de lui!) et probablement née une cuillère en argent dans la bouche.

*P'têtre bien que c'est pour ça que je suis né Tieffeflin, que le peigne m'a échappé d'un cheveu, que j'ai fini roué de coup et que j'ai failli me faire inspecter les entrailles ou servir de cobaye à un fou furieux... C'est parce-que je redistribue malgré moi l'équilibre de ceux qui abusent de leur bonne fortune?*

Bon, ce raisonnement ne convaincu pas des masses Tristesir. Sceptique, il ne s'avança pas d'avantage dans sa réflexion. Néanmoins, il accorda assez de crédit aux dires de Désespoir pour lui accorder le plaisir de la laisser le tatouer.

-Si tu le dis... Je te fais confiance. J'ai refusé de suivre la voie de Tymora au grand dam de ma mère. Je crois que rien de m'empêche de solliciter la protecteur de sa sœur. Il s'approcha, prêt à recevoir un signe de protection de Beshada.

Il se tenait droit, l'air pensif, bien plus élégant désormais habillé d'une véritable armure de cuir fin et non plus à demi-nu. Dans la pénombre, l'armure noire contrasterait bizarrement avec son teint perpétuellement blême. Heureusement, un foulard sombre ainsi qu'une capuche légère était cousue à celle ci. Des motifs fantasques d'entrelacs et de chimères incrustés dans le cuir ornaient ses flans. Il paraissait bien maigrelet dans cette tenue mais on devinait que cet apparent défaut devait lui être particulièrement utile pour se faufiler dans l'ombre.

*Sang et fumée! Mon luth! Mon Or!!*

Ereb se faufila jusqu'à ses affaires, le sourire jusqu'aux oreilles. Il passa son luth dans son dos et récupéra sa précieuse bourse. Il épingla enfin son amulette en plume de Paon sur son poitrail et récupéra son sac de voyage. Il leva un instant les yeux au ciel et s'excusa brièvement auprès de Tymora d'avoir accepter de se laisser peindre des signes de Beshada sur le corps.

Puis soudain, il soupesa sa bourse et se pétrifia d'effroi tant elle était ... légère! Et quand il l'ouvrit pour contempler un fond de cuir vide, sans même un bouton de cuivre, il manqua soudainement d'air.

*Oh les... Les saligauds. Les fils de rien. Evidemment qu'ils ont tout pillés ces odieux... Raah...*

Ereb s'étrangla silencieusement de colère, pestant sans un bruit. Puis il rassembla le reste de ses affaires, l'esprit fâché. Entre la torture et la ruine, c'est qu'il hésitera presque à choisir la première option! Il ne s'éternisa pas plus longtemps malgré l'amertume de cette découverte. Une fois équipé, il tenta d'activer la propriété de son armure pour échapper au regard d'éventuels démons. Puis, à pas de loup, il tourna prudemment à l'angle pour jeter un œil à la grande pièce, laissant Dez à son rituel.

Doucement.. Sans un bruit... Sans un geste brusque Ereb s'avança prudemment dans la salle, jusqu'à la porte au fond à gauche pour inspecter son contenu. Il marchait lentement, concentrant ses efforts sur la légèreté de ses pas et la cadence discrète de son souffle. Il lutta contre son envie pressante de courir retrouver Dez, préférant assumer son rôle d'éclaireur jusqu'au bout. Dans sa concentration, il répéta mentalement la doctrine de Mystra, apprise par cœur auprès d'un ménestrel de passage dans son auberge natale.

*Aime la magie pour ce qu'elle est. Ne le traitez pas simplement comme une arme pour remodeler le monde à votre guise. La vraie sagesse est de savoir quand ne pas utiliser la magie. .... La magie est l'Art, le Don de la Dame des Mystères, et ceux qui l'exercent sont bénis de privilèges incommensurables... *

Ereb songea un moment à ce mantra. Il se repensa aux paroles de Désespoir, de l'équilibre qu'elle s'efforçait de maintenir par ses fervents efforts. Ce démoniste... Ce fou... Ne provoquait t'il pas un déséquilibre aussi dangereux que son esprit semblait instable? Ne bravait-il pas la doctrine de Mystra, qui encourage l'humilité et la contenance quand on tisse les fibres la toile pour faire plier la réalité à ses désirs? Un tel individu abuse de ses privilèges et ses dons arcaniques en s'adonnant à des lubies sordides pour un plaisir probablement purement sadique ou simplement... curieux.

Le regard d'Ereb s'assombrit doucement, tandis que l'influence de Désespoir déteignaient lentement sur lui. Que Dez honore sa déesse en redistribuant l'équilibre entre bonne et mauvaise fortune, lui, il s'apprête à rendre grâce à Mystra en mettant fin aux abjectes expérimentations de ce tortionnaire.

Sans s'arrêter, Ereb s'avança un peu plus dans le couloir, invitant Dez' à faire de même pour être sûr de ne pas être à porter d'oreille du démoniste. Il lui raconta tout, le Dretch enfermé dans le cercle de protection, le démoniste fou, les expériences sadiques qu'il souhaitait mener sur eux... Et surtout il lui chuchota qu'il devrait d'une minute à l'autre, partir à leur recherche. Il précisa évidemment qu'il n'a pas été vu.

-Je ne sais pas si on est capable de rivaliser avec un tel type, mais je doute qu'on trouve la sortie avant qu'il nous trouve nous... Voilà ce que je te propose, on retourne dans la salle des cages, on se cache derrière la porte et on attend qu'il vienne jusqu'à nous pour lui sauter dessus. Au moins, on aura le bénéfice de la surprise... Enfin, si on est chanc..... Euh...si Beshaba le veut. Corrigea t'il au dernier moment

Il leva enfin les yeux vers ses jolies ramures, un instant hypnotisé par la lueur des gemmes. Puis il replongea ses yeux rouges dans le vert des siens et haussa les sourcils, l'air de demander si ce plan lui convenait.

Ereb grimaça à l'idée d'affronter un tel individu. Néanmoins que lui restait-il comme autre choix que de poursuivre le plan initial? Il serra sa dague, accolé au mur et releva le foulard sur son nez. Il se plaça d'un côté différent de celui de Dez', pour prendre en tenaille sa cible dès qu'elle passera les portes.

Son cœur battait à la chamade, mais la présence de Désespoir le rassurait. Seul, il n'aurait probablement pas tenu très longtemps et il aurait encore moins choisi un plan aussi risqué. Mais d'un autre côté, la perspective de s'en sortir les poches pleines d'or et de richesses, les bras remplis de cadeaux pour Mystra et avec en prime, une nouvelle amie, l'aidait à supporter l'idée que dans quelques instants, il se retrouvera nez à nez avec un individu probablement plus dangereux qu'une grosse chauve souris...

*Si je survis, j'écrirais un opéra sur ce donjon!* Pensa t'il en glissant un instant son regard sur Désespoir *Et p'tête bien un deuxième pour Dez'*

-Qu'est ce qu'on fait? Il a voulu me greffer... à... à un Dretch!! S'écria Ereb, interloqué, alors qu'il plaqua sa dague contre la gorge du démoniste. Il détourna le regard et serra les dents, tranchant la gorge du magicien, les yeux fermés. Une gerbe de sang lui éclaboussa le poitrail et le visage. Son poignet tremblait et sur le coup, il ne réalisa pas vraiment ce qu'il venait de faire. La vue et l'odeur du sang lui donna des nausées et il haleta un moment, écœuré par la vision sanglante qui s'offrait à lui. Ses doigts tremblotaient mais sa mâchoire restait serrée sous l'angoisse et la colère. Puis peu à peu, il reprit possession de ses moyens. Toujours chamboulé, il passa sa main sur son front brûlant. Mais il esquissa finalement un petit sourire à l'attention de Dez', heureux d'être enfin... libre.

-Si je te dis qu'on fait une fine équipe, tu vas encore me sortir que c'était "que un démoniste"? Lança t'il, l'air railleur avant de sortir son luth et pincer les cordes. Il chantonna un court chant sur Désespoir. Mi taquin, mi élogieux. Il mentionna également Beshaba dans son poème, chantant ses louanges et remerciant la pucelle de l'Infortune. Plus pour faire plaisir à Dez' que par réelle conviction, mais il chanta néanmoins avec respect les passages mentionnant la déesse. Puis il s'appliqua à fouiller le corps tiède du démoniste avant de se rendre dans la grande salle du Dretch.

-Mmmm, je ne t'imaginais pas faire ça …


*Et crois moi je ne suis pas prêt de recommencer* Pensa t'il très fort en plissant les yeux de dégoût, frottant du revers de manche les gouttelettes de sang humides sur sa joue.

La mort du semi-orc était "presque" accidentelle, peu de remords lui pesaient sur la conscience. Celle du démoniste, bien qu'il s'agissait de légitime défense (certes, anticipée!), l'attristait. Il n'avait pas aimé donner la mort, même à une crapule de son espèce et il espérait ne jamais à avoir à le refaire.

Quand Dez lui murmura qu'elle souhaitait l'initier à des offrandes plus appropriées à Beshaba, il ressortit son sourire crispé mais poli. Il commençait à réfléchir aux conséquences de son amitié avec Désespoir. Plus il se rapprochait d'elle, plus des signaux d'alertes fusaient dans son crâne, bombardant sa conscience d'appels désespérés à la prudence auprès de l'adoratrice de Beshaba. Une partie de lui se demanda même si ce n'était pas sous son influence qu'il trouva le courage d'achever lui-même le démoniste. Ses inquiétudes s'envolèrent quand le joli visage de Désespérine s'illumina discrètement sous les airs qu'il lui chanta. Et de la même manière que l'amour rend aveugle, l'affection que commencait à éprouver Ereb pour Dez' souffla les doutes de son esprit inquiet. Le jeune barde cœur d'artichaud s'amourachait avec tant de facilité qu'un simple sourire ou un compliment suffisait à le transporter ailleurs. L'air rêveur, il se ressassa l'image du sourire de Dez' et en oublia presque le cadavre à ses pieds.

Arrivée dans le laboratoire, avant d'entreprendre la fouille, il se concentra pour imiter Dez'. Murmurant son incantation, il lança "Détection de magie" avant de fouiller prudemment le laboratoire.

Dès que le Dretch parla, il pesta et lui répondit la mâchoire serrée, encore perturbé par l'idée qu'on lui greffe de la peau de démon.

-Tss! Inutile de te cacher ta vraie nature! Tu nous crois peut-être assez bêtes pour faire te faire confiance? Nous te ferons pas de mal alors pas la peine de minauder.

Il prononça ces derniers mot d'un ton légèrement plus doux. Comme s'il souhait le rassurer. Il lui adressa d'ailleurs un bref regard de pitié pour sa condition, avant de poursuivre l'inspection avec Dez.

-Ho ! Regarde Erby, c'est du bon matériel, avec de l'encre sûrement faite à base de sang de démon ! Je pourrai te faire un beau tatouage, ça te dirait ?


Ereb eut un rire étranglé. Il sourira par politesse mais l'idée ne l'enchantait pas des masses.

-Ah... Euh, on est obligé de faire ça avec du sang de démon? ça marche pas avec ... euh... Ben du charbon ou même juste de l'encre... basique?
lança t'il tout en empoignant cupidement les vingt cinq pièces d'Argent.

Ereb enfila la paire de botte du démon silencieux. Il attrapa la dague maléfique avec laquelle il fendit l'air, dans une joute contre un adversaire imaginaire, qu'il terrassa (évidemment) avec brio.


-Dez! Comment on partage le reste?

Ereb posa ses mains sur ses hanches, balayant du regard leur pactole. Puis il se retourna vers le Dretch. Il eut un rictus crispé. La bestiole l'avait intrigué avec cette histoire de "salle au trésor". Mais ... C'était un démon. On ne pouvait faire confiance à un Fiélon! Même si ce Fiélon vous promettez une richesse particulièrement alléchante. Il s'égara un moment sur cette potentielle richesse, en faisant tournoyer une pièce d'argent entre ses deux doigts.

-Dis, le "Dretch"... Quand tu dis "salle au trésor"... de quel genre de trésor parles tu? Hm?

Suite à l'encouragement de Dez, Ereb s'avança prudemment vers le Dretch.

-Hm... Que souhaites tu en échange de l'accès à la salle au trésor Dretch? Nous pourrions effectivement nous entraider. Mais je te déconseille de nous jouer des mauvais tours sinon je .... Ereb marqua une pause, comme pour méditer sur les paroles qu'il s'apprétait à prononcer. Je veux dire, elle, s'occupera de ton cas.


Il pointa du doigt sa terrible amie, et plus particulièrement, son fouet.


-Et crois moi, elle est deux fois plus cruelle que je suis gentil, alors il vaudrait mieux pour toi de la jouer honnête! Tu as même de la chance que je sois là pour essayer de trouver un plan où tu ne finis pas mort ou torturé. Et n'oublie pas : si on a pu s'échapper, terrasser le geôlier, ton maître et deux gigantesques (il appuya particulièrement sur cet adjectif) chauve-souris, c'est bien qu'on ferait qu'une bouchée d'un petit Dretch de ton genre.

Ereb afficha un grand sourire mi-narquois mi-fier et croisa les bras sur sa poitrine, satisfait de son discous.

-Alors Dretch, prêt à collaborer ? J'promet d'écrire une chanson en ton honneur si tu me mènes à la richesse. lança t'il, les yeux pétillants de malice.